La haute-ville

Il y a un peu plus d’une semaine, nous sommes allées deux jours à Port-au-Prince afin de faire quelques commissions et en avons profité pour visiter un peu la ville. Je ne vous arrive que maintenant avec le récit, faute de m’être assise à l’ordinateur pour écrire avant.

Une fois la formation hebdomadaire du vendredi terminée, nous dînons en vitesse à la maison et embarquons gracieusement sur la moto de l’un des enseignants de l’école qui nous emmène jusqu’à la station de bus de Miragoâne. Dans un petit minibus bondé, nous parcourons les deux heures et demie nous séparant de Port-au-Prince, suant notre vie. (J’ai toujours autant de classe). Bernard vient galamment nous chercher à la chaude et odorante station de Port-au-Prince et nous emmène dans un charmant hôtel du centre-ville. La journée ayant commencé dans l’enthousiasme et l’excitation du voyage se termine dans la piscine pour Juliana et dans la déshydratation pour moi.

Ayant retrouvé un peu de forces avec le spaghetti du matin, je me risque à la ballade à pied dans Port-au-Prince avec Juliana. Nous passons à côté de plusieurs lieux qui auraient dû être : ici, ça devrait être le Palais National ; ici, ça devrait être un ministère quelconque ; ici, ça devrait être un hôtel, mais il n’en reste que des ruines. C’est triste de voir que presque cinq années se sont écoulées depuis le séisme et que le travail de reconstruction semble en être à ses débuts. Outre les promesses d’aide non tenues de plusieurs pays de la communauté internationale, les faibles revenus gouvernementaux, l’urgence de fournir des soins de santé et une éducation efficaces et la surpopulation de la capitale semblent, entre autres, être en cause dans cette reconstruction qui tarde et retarde.

Pour ceux qui ne seraient pas encore allés voir à quoi ressemble Port-au-Prince sur Google Images, je vais tenter de vous en fournir l’image que j’en ai. Port-au-Prince est une ville en patchwork où les petites maisons de béton fragile, peintes de toutes sortes de couleurs, s’entassent sur celles faites de tôle, de bois ou de vieilles bâches USAID. Les maisons grimpent ainsi jusque dans les montagnes abruptes qui entourent la ville sur trois côtés, laissant une ouverture sur le port où, il y a de cela bien longtemps, est arrivé un grand navire portant le nom de Prince. Les bidonvilles s’entassent dans les petites vallées et aux alentours de la ville alors que plus on se dirige vers le sommet des montagnes, plus on voit apparaître de belles maisons entourées de grands murs peints. Je me suis demandé s’ils ne s’étaient pas inspirés de la ville de Québec avec sa haute-ville cossue et ses vieux quartiers tassés en bas de la Pente-Douce. À moins que ce ne soit l’inverse…

Samedi soir, nous avons eu la chance de sortir en haute-ville, justement. Ici, ça s’appelle Pétionville. C’est Sherly, une haïtienne ayant fait sa maîtrise en éducation à l’Université Laval, qui nous y a emmenées. Sa directrice de maîtrise, une professeure que j’aime beaucoup, nous avait mises en contact. Comme j’étais de passage dans la capitale, j’en ai profité pour la voir et elle en a profité pour nous gâter, Juliana et moi, en nous invitant à l’un des meilleurs restaurants de la ville. Bonne bouffe, bonnes discussions. Inutile de vous dire que nous n’avons pas croisé personne de Lhomond au cours de la soirée…

Juliana a rebaptisé le quartier Pétons-ville. C’est là-haut que vous trouverez la majorité des expatriés qui travaillent pour des ONG et autres organisations internationales, c’est-à-dire ceux qui ont de l’argent. On y trouve aussi des immenses épiceries – le commun pour nous, au Québec – où nous avons failli perdre toute notre salive et notre sang-froid en voyant toute la nourriture qui s’y trouvait, étant déjà habituées à la chèvre chauffée au soleil du marché de Lhomond. Malgré cette merveilleuse soirée en haute ville, nous étions mal à l’aise devant la démonstration si frappante de tant d’inégalités au sein d’une même société.

Des inégalités du genre existent aussi au Québec et partout ailleurs, mais la différence entre cette petite ville aux allures occidentales en haut d’une montagne et ce village le long d’une route de terre dans les montagnes haïtiennes nous les remet en pleine face. J’étais bien contente d’être revenue à Lhomond, piti lakay mwen.

—– English version —–

A little more than a week ago, we spent two days in Port-au-Prince to run a few errands and we grabbed the opportunity to visit the city a bit. The story only comes now because I haven’t taken the time to sit in front of my computer and write before now.

Our weekly Friday training session over, we eat quickly and graciously jump on one of the teachers’ motocycle to get to Miragoâne’s bus station. We spend the two hours and a half between Miragoâne and Port-au-Prince in a crowded minivan, sweating our lives. (I’m still that classy.) Bernard, always a gentleman, comes to pick us up at the hot and smelly bus station in Port-au-Prince and brings us to a charming little hotel downtown. The day that had started with enthusiasm and excitement for travel ends in the pool for Juliana and with dehydration for me.

Having recovered a little with the morning spaghetti, I risk myself for a little walk around Port-au-Prince with Juliana. We pass by many places that should have been: here, it should have been the National Palace; here, it should be whatever ministry; here, it should be a hotel, but all that’s left is rubble. It’s sad to see that after almost five years after the earthquake, reconstruction seems to be at its beginnings. Aside from the broken promises from other countries of the international community, low governmental revenue, urgency of delivering efficient healthcare and education and the overpopulated capital seem to be, among other things, delaying reconstruction again and again.

For those who haven’t checked on Google Images yet what Port-au-Prince looks like, I’ll try to give you the picture that I have of it. Port-au-Prince is a patchwork city where small and fragile concrete houses of all colors are almost piled on the ones made up from metal sheets, wood or old USAID tarps. Houses are built like this and up the steep mountains that surround the city on three sides, leaving one side open on the sea port where, many years ago, arrived a big vessel named Prince. Valleys within the city are occupied by slums, as well as other territories surrounding the city, but when you keep on going up the hills, you start to see nice houses surrounded by high painted concrete walls.

On Saturday night, we had the chance to go up those hills. The place we went is called Pétionville. Sherly, a Haitian woman who did her master degree in education in Laval University, brought us there. Her master’s director, a professor that I really appreciate, had introduced her to me by email. As I was in the capital for the weekend, I took the opportunity to see her and she took the opportunity to treat Juliana and I by inviting us over for dinner in one of the best restaurants in town. Great food, great discussions. There’s no point to tell you that we saw no one from Lhomond during the evening…

Pétionville is where you’ll find the majority of expats working for NGOs and other international organizations, i.e. people who have money. You’ll also find huge grocery stores – common things for us, in Canada – where we almost lost our minds in front of all the food that was in there, already used to sun-heated goat in Lhomond’s market. Despite this wonderful evening in the upper town, we were unease by this striking demonstration of inequalities within a society.

Inequalities of that type also exist in Canada and everywhere else, but the difference between this small western-looking town on the top of a hill and this small village along a dirt road within the Haitian mountains put those inequalities right in our face. I was really happy to be back home in Lhomond, pitit lakay mwen.

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