A demen si Dye vle

Je dédie cet article à Kim Saint-Jacques.

Si j’avais à vous traduire le mot « demain » en créole haïtien, probablement que je vous le traduirais ainsi : demen si Dye vle. Littéralement : « demain si Dieu le veut ». Cette petite partie est (presque) systématiquement ajoutée à toute phrase faisant référence à « demain » ou encore à un futur rapproché. Je crois que c’est parce qu’en Haïti, on ne prend pas demain pour acquis, d’une part, et que, d’autre part, la foi en Dieu est très grande chez beaucoup de gens.

Il y a trois confessions religieuses principales auxquelles les gens se rattachent majoritairement ici : le protestantisme, le catholicisme et le vaudouisme. Cette dernière croyance est un peu controversée puisque beaucoup de gens se disent catholiques, mais pratiquent en fait le vaudouisme, probablement parce qu’il y a un certain jugement négatif lorsqu’on avoue être vaudou…

Cette forte majorité de chrétiens se remarque facilement en regardant les nombreuses écoles tenues par des missions religieuses, les multiples églises, mais surtout par les noms des commerces et les slogans à saveur chrétienne écrits sur les taptaps (minibus ouvert ou camionnette) et les papadaps (autobus scolaire « ouvert »). Depuis presqu’un mois déjà, je rassemble pour vous les meilleurs noms et slogans :

Slogans de taptaps et papadaps : « Merci agneau immolé » et « Merci calvaire »

Noms de commerces : « La foi en christ salon funéraire », « Vive le sang de Jésus bar-resto », « Merci Christ shop », « L’Éternel est grand auto parts », « Don de Dieu apiculture » et « Villa Christ revient morgue privée ».

Noms d’églises : « Église Dieu en Christ » et « Église tabernacle de l’amour du Christ ».

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Un taptap vide (?!) croisé sur la route et un papadap au marché de Saint-Michel.

Après avoir rit un bon coup (sans méchanceté, promis), je me suis demandé comment un peuple qui a été si durement éprouvé au cours de son histoire – esclavage, occupation américaine, dictature, inondations, ouragans, tremblements de terre – peut encore avoir la foi, peut encore se dire qu’il y a un Dieu là-haut, quelque part, et un Dieu qui les aime par-dessus tout. Drôle de façon de démontrer ton amour à un peuple, me suis-je dis. En y réfléchissant plus et en en discutant, je me suis dit qu’au contraire, les épreuves mises sur le chemin du peuple haïtien sont si énormes et difficiles à surmonter que plusieurs y parviennent avec l’aide de Dieu. Même si les noms de commerce me font souvent sourire, je dois avouer que le courage et la foi des haïtiens sont impressionnants.

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BONUS ZOMBIES !

Toujours dans le thème des croyances, il y en a une apparemment assez répandue en Haïti : les zombies. Les rumeurs disent qu’un bokor (sorcier) donnerait secrètement une potion à sa victime qui apparaîtrait ainsi comme morte. Une fois les funérailles terminées, le sorcier déterrerait sa victime et, puisqu’elle est sous son emprise, lui ferait accomplir ce qu’il veut, du travail manuel par exemple. Certains chercheurs croient que la substance majoritairement utilisée dans cette potion serait la tétrodotoxine, une toxine capable de faire paraître une personne raide morte. Malgré le fait que les cas rapportés de zombies soient de nos jours extrêmement peu communs et rarement vérifiés, la zombification est toujours interdite par le code criminel haïtien. Il y a un cimetière près de chez moi, peut-être que je devrais commencer à regarder pour des zombies…

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