Déjà trois ans.

Cette semaine, je me suis rappelée de l’existence de ce blog. C’est le blog que j’ai écrit, aidée par mon amie Audrey Vaché, lorsque nous étions au Mozambique dans le cadre d’un stage en écotourisme, il y a de cela déjà trois ans. En résumé, nous travaillions avec une équipe de professeurs enseignant dans un programme de tourisme à Pemba. Le but du projet était, en bout de ligne, de monter une spécialisation d’un an en écotourisme pour les étudiants qui, après avoir complété le programme de trois ans, étaient intéressés par ce domaine. Plus spécifiquement, Audrey, Anne et moi avons travaillé à partager nos connaissances en conception de produits d’écotourisme et avons conçu des activités adaptées à la région avec l’équipe de profs. Plus de détails sur le blog.

Quel impact, au final?

Nous étions loin de changer le monde. Loin de régler les nombreux problèmes de ce beau petit pays aux accents portugais. Depuis mon séjour là-bas, j’ai souvent remis en question la pertinence de ce projet. Quel était le véritable but d’envoyer trois personnes travailler là-bas pour seulement trois semaines – délai ridiculement court pour ce que nous avions à faire? Beaucoup d’argent investi pour quel impact?

Je me souviens de mon ami Bruno-Pier qui, à mon retour, m’avait demandé « pis, as-tu aimé ça le Mozambique? », m’ayant entendu dire et redire à quel point j’avais hâte d’y être. J’avais hésité avant de répondre. Ce n’est pas le genre de « voyage » que tu trouves « tellement l’fun ». Égoïstement, peut-être, je suis très heureuse et reconnaissante d’avoir eu la chance de vivre cette expérience, mais je ressens aussi de la culpabilité pour ce projet qui, au final, aurait pu être mieux conçu et dans lequel les investissements auraient pu être mieux choisis. Sur une note plus positive, je suis quand même fière du fait que cette mission ait contribué un tant soit peu à l’amélioration d’un programme de formation dans un domaine en pleine croissance dans cette région du pays, et que cette amélioration allait dans le sens d’un tourisme plus responsable. J’espère très sincèrement que cette spécialisation offre aujourd’hui de meilleures opportunités d’emploi à plus de jeunes mozambicains.

Et le temps passe…

Lorsque j’ai enfin retrouvé le blogue, je l’ai relu d’un bout à l’autre. Étrange sentiment que de relire ce qu’on a écrit il y a trois ans… C’est comme découvrir une autre personne, se rappeler la Catherine d’avant. D’avant quoi, je ne sais pas, mais c’était assez incroyable de voir l’évolution. À 20 ans, s’envolant vers le continent africain, la jeune Catherine était pas mal naïve… Non pas que je ne le sois plus, mais mon expérience présente avec ISF me ramène souvent les pieds sur terre et me donne une vision plus réaliste de l’Afrique que celle que j’avais à l’époque. Dans les premiers articles, je parle souvent de « l’Afrique », alors que pendant trois semaines je suis restée à Pemba et ses environs, dans la province de Cabo Delgado au nord du Mozambique. Ce TED Talk (vidéo en anglais, sous-titres en français) de Chimanda Adichie m’a beaucoup fait réfléchir et a contribué à ma remise en question de mes préconceptions.

J’ai changé, j’ai appris, j’ai grandi. Et même si au début de ma relecture du blog mozambicain je rougissais à lire ce que je j’avais écrit, je me suis ensuite sermonnée: pourquoi avoir honte d’avoir appris? Je me suis finalement dit que j’étais fière de tout ce que j’avais fait depuis, fière du chemin parcouru, de ma réflexion. Maintenant, je souris encore quand je relis certains passages, mais cette fois je souris parce que je trouve ça beau de voir comment on change.

Le pourquoi de tout ça

Mes journées sont bien remplies et ce n’est pas peu dire. Je quitte la maison tôt en vélo, j’aime bien travailler le matin. Vers 15h, quand l’énergie commence à diminuer, je prends une marche jusqu’à un petit café près du bureau, et je retourne pour travailler encore jusqu’à 18h. Mes amis et ma famille me sermonnent, me disent de ne pas trop travailler, de prendre soin de moi. Je pense que j’ai oublié d’expliquer pourquoi je fais ce que je fais cet été.

Quand je réalise à quel point je suis choyée et inondée par un nombre incroyable d’opportunités et que je dois cela simplement au fait d’être née avec une citoyenneté canadienne, je suis incroyablement fâchée, déçue, frustrée, triste, honteuse. Pourquoi? Trop de gens n’ont pas une fraction de ce que j’ai parce que le hasard a voulu qu’ils soient nés dans un pays où la vie est radicalement différente de celle qu’un canadien moyen peut imaginer vivre. Pourquoi le fait d’être né à Pemba, Mozambique, empêcherait quelqu’un comme Sabado, gardien de nuit à la résidence où j’ai jadis habité, d’utiliser son potentiel dans un emploi significatif pour lui et d’offrir à sa fille, qui doit bientôt être en âge d’aller à l’école, l’opportunité d’y aller, justement.

Je suis définitivement reconnaissante pour tout ce que j’ai. Mais la reconnaissance, ce n’est pas assez. Il me faut faire plus. Il y a mon ventre qui se tord, mon coeur qui se gonfle de je ne sais quel mélange d’émotions trop intenses quand je vois tout ce qu’il y a à faire, et qui n’est pas fait. La section d’ISF de l’Université de Sherbrooke a un jour fait imprimer sur un chandail la phrase suivante:

« Il y a trop à faire pour ne rien faire.« 

Ça me rejoint terriblement. Et c’est pour ça que je suis ici cet été, que je me donne comme une dingue pour ce que je fais, que je suis passionnée et que j’ai peur lorsque j’envisage d’arrêter. Bien sûr, on n’aura jamais fini. Mais est-ce une raison pour ne pas commencer? Chaque victoire n’est-elle pas importante?

Je suis loin d’avoir l’impact social auquel j’aspire. Loin de changer le monde – et j’ai compris que ce n’était pas réaliste. Il y a des centaines de choses chez moi que je dois encore changer, travailler à être une meilleure personne pour le monde, pour les autres. Mais sachez que si je travaille fort, c’est pour quelque chose de beaucoup plus grand que moi, c’est au sein d’une organisation qui, je crois, a beaucoup de potentiel.

Ce que je fais, je le fais parce que j’y crois et parce que je crois fermement que c’est la bonne chose à faire. Voilà mon « pourquoi ». Quel est le vôtre?

Ma nouvelle vie de franco-ontarienne

L’un des objectifs de cet article est également de vous familiariser avec les acronymes d’Ingénieurs Sans Frontières (ISF)…

Déjà cinq jours que je suis arrivée dans la métropole ontarienne: whaaat!? Je vous assure que mes journées de SCF/SCS (social change fellow / stagiaire en changement social) sont remplies à souhait et que je ne vois absolument pas le temps passer! Et vous le devinez, n’est-ce pas? J’adore ça!

Ma maison est très bien, un peu vieillotte, mais habitée par des gens merveilleux. À temps plein, nous sommes 8 à y habiter. Puisque c’est la « maison ISF », il y a beaucoup de gens qui y sont de passage, des APS ou PPA (African Program Staff ou Personnel des programmes africains), des membres d’équipes décentralisées venus pour une retraite à Toronto, des présidents de sections, des anciens de passage, etc. Il y a beaucoup de vie et c’est très charmant. Chacun notre tour, nous cuisinons pour le reste de la trâlée. On cuisine végé, on composte, on s’entraîne dans le parc d’à côté le matin, on joue un peu de guit, on joue aux colons de Catan les soirs de fin de semaine et on va au bureau à vélo.

Au bureau, on travaille fort. Le bureau, c’est comme une grande salle, un grand studio avec tous nos bureaux dedans, sans paravents. C’est très « commun ». On a plusieurs petits bureaux vitrés pour les différentes réunions et une petite salle à manger avec divan, lave-vaisselle et café équitable -toujours. On commence et on termine quand on veut, selon le moment de la journée où nous sommes le plus efficace. Tout le monde est ultra motivé et travaille à un rythme incroyable. Et longtemps aussi. Ça fait du bien d’accomplir autant de boulot, de se sentir tellement utile et efficace.

« Mais qu’est-ce que tu fais au juste?! » La question qui tue. J’ai trois projets principaux: deux avec l’équipe du réseau et l’autre avec l’équipe des communications. Avec l’équipe du réseau, je dois revoir la stratégie d’engagement des jeunes d’ISF (1) et organiser, en quelque sorte, nos ressources de ML (Member Learning – Éducation des membres) (2), mais ce dernier projet n’est pas encore tout à fait défini et plutôt vague. Plus de précisions s’en viennent cette semaine. Mon troisième projet consistera à publier des nouvelles d’ISF via nos comptes Twitter et Facebook et surtout sur notre site web qui sera bientôt lancé (3).

Cette semaine, gardez l’oeil ouvert parce que mercredi 12 juin, nous serons sur la colline parlementaire à Ottawa afin de rencontrer, un par un, plus de 40 députés fédéraux afin de discuter des possibilités qu’offre la fusion de l’ACDI et le ministère des affaires étrangères en termes d’amélioration de l’aide internationale fournie par le Canada. Ça va gazouiller en masse sur Twitter si vous voulez me suivre (@CatherineCw)!

Congrès National 2013: check!

Congrès National 2013 d’Ingénieurs sans frontières Canada. Promotion 2036: Ce qui est possible grâce à une génération de changements systémiques. Calgary, AB.

4 jours. Beaucoup de gens inspirants, extraordinaires, motivés, intelligents, leaders, passionnés, beaux. Des questions, beaucoup. Les réponses à ces questions? D’autres questions, évidemment! Échos du discours de mon ami Nasser: « C’est quoi cette organisation qui pose tellement de questions?! »

Des ateliers où l’on se casse la tête à trouver des solutions. Des conférenciers qui inspirent et qui nous mettent au défi. Des analogies avec « Histoire sans fin ». Du café, beaucoup de café. Des discussions profondes et plus qu’intéressantes, avec des gens qui le sont tout autant. Le partage de nos rêves pour 2036. Pas beaucoup de sommeil. Des chansons francophones a capella à 1h du matin. Des apprentissages, des remises en question (encore, encore et toujours, à la pelleté) et des réflexions. Pis ben de l’amour. Plein plein d’amour.

Merci à tous ceux qui ont fait de ce Congrès un succès. Merci à la section ISF-Laval pour toute l’énergie, le committment, l’amour, la passion. Merci à l’équipe du bilinguisme pour votre travail iiiiincroyable et sans relâche, votre confiance, votre complicité, votre passion et votre amour. Merci à tous ceux avec qui j’ai discuté qui m’ont tellement apporté et qui ont fait de mon expérience au Congrès quelque chose d’unique.

Embarquement Gate 29

Les aéroports, j’aime ça. C’est plein de fébrilité, d’émotions, de yeux encore endormis, d’enfants  au comble de la curiosité, de sourires, de diversité, de souvenirs de touristes et d’aubaines extraordinaires au duty free.

Si on oublie que le fait de prendre l’avion suffit à augmenter mon empreinte écologique de façon à me sentir coupable de seulement expirer du CO2 pour les dix prochaines années, se promener dans l’aéroport a quelque chose de vraiment excitant. Les habitués de la place vous diront probablement le contraire, mais pour ma part j’adore croiser le regard des voyageurs, demi-sourire aux lèvres, et j’ai envie de parler à tout le monde, j’ai envie qu’ils me racontent leurs allées et venues, leurs craintes, leurs appréhensions, leurs espoirs. Je suis curieuse. J’aime essayer de deviner où vont les gens, pourquoi. Surtout, pourquoi.

Dormir sur des bancs carrés entre deux avions. Marcher le long d’interminables corridors sur des tapis roulants. Tenter de déchiffrer les annonces faites dans une langue inconnue. Regarder les avions aller et venir. Être dans un no man’s land sans taxe entre deux pays. Espionner les passeports autres que canadiens. Boire du mauvais café trop cher. Perdre la notion du temps, de l’heure qu’il est.

Peut-être est-ce aussi les voyages qui me passionnent plus que les aéroports… mais ceux-ci ont quand même quelque chose de particulier. En termes de lieux, ils rivalisent d’exotisme avec bien d’autres. Les voyages, ce sera pour un prochain post.

Ce matin, j’ai un hublot. Chanceuse!

Une pensée pour mes lointains cousins Orville et Wilbur.